Cliquez ici pour écouter la version audio de l’article.

Temps de lecture: 10 min

Le monde avant et après le COVID-19

Le COVID-19, c’est la malédiction de 2020. La pandémie qui a démis le monde tel qu’on le connaît de ses fonctions. Le cygne noir, selon la théorie consacrée de Nassim Taleb, qui va nous en faire voir de toutes les couleurs pendant des mois.

Alors bien sûr, on peut voir l’étagère de papier toilette à moitié vide et assister à notre effondrement économique prostré sur notre lunette, ou à l’inverse, voir la crise que nous traversons comme le point de départ d’un changement de paradigme profond et générateur de nouvelles opportunités individuelles et collectives qui nous permettrons d’offrir à nos enfants un monde plus résilient, bienveillant et solidaire.

Mais qu’en est-il des répercussions du coronavirus sur le secteur de l’engagement ? Comment la philanthropie peut-elle tirer son épingle du jeu ?

Une “bulle de générosité” au sort incertain ?

On commence avec la tribune d’Antoine Vacarro, président de Force For Good by Faircom qui nous rappelle qu’à travers l’histoire, les grandes crises ont appelé les grandes solidarités. Pensons à la famine en Éthiopie de 1985, au tremblement de terre en Arménie de 1989, au génocide Rwandais de 1994, au tsunami indonésien de 2004, au tremblement de terre en Haïti de 2010 ou plus près de nous, à l’incendie de Notre-Dame de Paris qui a mobilisé près d’un milliard d’euros.

Ces bulles de générosité ont par le passé rejailli sur l’ensemble du secteur philanthropique. A. Vaccaro pense qu’une bulle va sans doute gonfler. C’est probable, en témoigne par exemple la Fondation de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris qui a réussi à collecter en à peine quelques jours 1,5 millions d’euros auprès de 1800 particuliers et entreprises. Plusieurs scientifiques s’accordent à dire que seul le maintien des mesures de distanciation sociale sur une longue période (possiblement un an ou plus) pourra endiguer l’épidémie. À court terme, on peut donc s’attendre à ce que les donateurs flèchent leurs contributions vers la santé, la recherche clinique pour la découverte d’un vaccin, la recherche fondamentale, ou les populations vulnérables qui auront été le plus durement touchées par la crise et le confinement, au détriment d’autres champs de l’intérêt général comme les arts et la culture, l’éducation, l’environnement.

Et pourtant, la cause environnementale est la toile de fond du COVID-19. Le biologiste Boucar Diouf a très justement remis les choses en perspective avant même que la crise ne prenne une telle ampleur à l’échelle du globe, en affirmant que nous devons adopter une approche intégrée dite One World, One Health (Un monde, une santé). Ce concept a été introduit par la Wildlife Conservation Society en 2004 et a pour but de mieux comprendre les relations existant entre la santé animale, la santé humaine et la santé de l’écosystème afin de protéger la santé publique. Le virus Ebola, le sida, le SRAS et maintenant le COVID-19 sont tous des maladies humaines d’origine animale. Dès lors, tout l’enjeu sera de rendre accessible la complexité et l’enchevêtrement des effets de cette crise auprès des donateurs, qu’ils soient directs, indirects ou contextuels. Pour s’engager, il faut comprendre.

Mais si on revient à notre bulle de générosité, ne risque-t-elle pas d’éclater en plein milieu d’une course de fond qui menace de durer longtemps ? La crise sanitaire que nous traversons est mondiale et s’accompagne d’une crise économique sans précédent. Ceci va nécessairement impacter la psychologie des donateurs. Pour les petits et moyens donateurs, comment exercer sa générosité quand on ne sait pas si on va conserver son emploi, son entreprise ou même son couple après tant de confinement ? Pour les plus grands donateurs, comment maintenir sa générosité quand les marchés s’effondrent et que les retours sur investissement sont quasi nuls ?

Philanthropie d’urgence et réseaux d’entraide

Cette générosité de masse a des chances de se commuer en réseaux d’entraide. Les professeurs Luc Audebrand et Matthias Pepin ont signé dans le journal le Devoir un article qui laisse penser que oui. En s’appuyant sur les sciences sociales, ils nous rappellent que l’être humain a toujours évolué grâce à l’entraide. Ils citent notamment les écrits du théoricien anarchiste Russe Pierre Kropotkine, auteur de l’ouvrage intitulé L’entraide, un facteur de l’évolution, et dans lequel ce dernier avance que la survie est une lutte collective où la pratique de l’aide mutuelle constitue la meilleure arme possible. Audebrand et Pepin font également référence au psychologue américain Michael Tomasello qui affirme que l’être humain est le produit d’une évolution culturelle cumulative, c’est-à-dire qui repose sur une succession d’apprentissages non pas par imitation comme chez les autres espèces animales mais par enseignement. Dans son essence même, l’être humain, je cite, en enseignant aux autres, délibérément, activement et systématiquement, témoigne de sa volonté de donner à ses pairs les moyens de comprendre, de contribuer, mais surtout de faire progresser la société.

Nous avons vu fleurir en effet toute une série d’initiatives sur les réseaux sociaux qui sont autant de manifestations de l’entraide. Qu’il s’agisse de l’opération #billetsolidaire invitant les détenteurs de billets de spectacle à ne pas se faire rembourser, l’initiative des chiffons rouges en France qui encourage les personnes seules dans le besoin à se manifester auprès du voisinage en accrochant un tissu rouge à la fenêtre, ou encore des différentes plateformes qui se sont multipliées pour venir en aide au système de santé. Parmi elles, citons enpremiereligne.fr qui se veut un Tinder de l’entraide envers le personnel soignant pour offrir des services de garde d’enfant ou de courses alimentaires, renforts-covid.fr qui propose aux étudiants, professionnels, actifs ou retraités de se porter volontaire, et commentaider.fr qui met en relation des citoyens et des associations de première ligne comme les banques alimentaires, banques de sang ou organismes venant en aide aux plus démunis qui se retrouvent privées de bénévoles en raison du confinement des personnes âgées. L’histoire nous dira si les gens se sont serrés les coudes sans toutefois resserrer les cordons de leur bourse…

Du côté des grandes entreprises, sans surprise, nous assistons à une mobilisation internationale qui représente plus de 80% du montant total des promesses de dons s’élevant à 1,9 milliard de dollars. En Chine, le président d’Alibaba a financé l’expédition de 1,8 million de masques et 100 000 kits de test en Europe. En France, LVMH a réquisitionné 3 de ses unités de production pour fabriquer gratuitement du gel hydroalcoolique. La plateforme solidaritecovid.fr, destinée à mettre en relation les acteurs de la santé et les entreprises qui veulent aider a été mise en place. On a vu également l’ensemble de l’écosystème EdTEch se rassembler pour assurer la continuité pédagogique des élèves en mettant ses contenus en accès libre.

Dans l’immédiat, l’aide aux acteurs directement concernés et la philanthropie de proximité semblent être privilégiées pour faire face à l’urgence. Une fois la crise derrière nous, nous verrons probablement se redévelopper une philanthropie dite stratégique qui répond à la fois aux envies des donateurs et aux besoins de la société.

Toutefois, va-t-on voir apparaître une montée de l’altruisme efficace ? La question mérite d’être posée dans la mesure où l’ère post-COVID-19 s’annonce transformatrice notamment sur le plan des valeurs…et par définition, l’altruisme efficace, ce mouvement initié par le philosophe Australien Peter Singer, c’est l’idée qu’on ne devrait pas seulement vivre pour soi et qu’une partie de notre vie devrait être dédiée à l’amélioration du sort d’autrui dans un souci d’efficacité. Or, dans le nouveau monde qui se profile, où l’on pronostique déjà sur la décroissance, la maximisation des dons et de leur impact, si chère aux altruistes efficaces, sera d’autant plus importante.

Quels sont les défis à venir pour les organisations philanthropiques ?

Et les organisations philanthropiques dans tout ça ? Bien sûr, elles seront épaulées par les gouvernements, par le mécénat de compétences d’un grand nombre de travailleurs sans emploi. Mais cela sera-t-il suffisant à long terme ? Comme l’a rappelé Eric Dutertre de l’agence parisienne Hopening, « lors de  la  crise  de  2008,  si certaines associations  avaient  décidé  d’abaisser  leur  pression  et  niveau  de sollicitation,  conduisant  à  une  réduction  mécanique  de  leur  collecte, d’autres  avaient  progressé  en  conservant  voire  en  accélérant  les investissements ».

Alors, ces organisations seront-elles aussi solidaires entre elles ? Assistera-t-on à un darwinisme social où seules les mieux préparées, au sommet de la chaine de l’intérêt général, s’adapteront et s’en sortiront, et les autres, plus fragilisées, seront en voie d’extinction ?

Chose certaine, celles qui n’auront pas déjà intégré de stratégies de collecte digitale courent le risque de sortir de la course dans le cas d’une prolongation de la crise. La créativité ne sera peut-être pas suffisante. Quand on voit la rapidité avec laquelle l’ensemble des secteurs d’activité se sont digitalisés pour maintenir leurs opérations, on comprend que le monde du travail et les industries seront métamorphosés à jamais par le virtuel avec certains points de non-retour. L’institutionnalisation du télétravail en fait partie. Par conséquent, les organisations philanthropiques doivent toutes sans exception mettre l’emphase sur le numérique.

Le deuxième élément à prendre en considération dans la transformation de la philanthropie est ce qu’on pourrait appeler une forme de retour à l’essentiel. Avec l’annulation forcée des événements-bénéfice, c’est tout un « décorum » qui disparait temporairement. Fred Fournier, de l’agence MindMe s’interroge d’ailleurs sur le développement des « No-Go Galas » et cite pour exemple Natural High en Californie qui brand son No-Go Gala de la manière suivante : Aucun billet, ni babysitter ou nouvelle tenue nécessaire ! 100% de votre soutien va directement à Natural High.

D’une manière générale, les événements accaparent beaucoup de ressources, ne sont pas toujours rentables et demeurent un canal d’acquisition de nouveaux donateurs qui se relativise au fil des éditions. D’ailleurs, ils finissent toujours par toucher un plafond de verre en termes d’objectif financier à atteindre. Dans l’épisode #2 de FILantropio consacré à Sophie Tarnowska, la fondatrice de WeDoSomething Montréal, nous avions évoqué l’urgence de repenser les événements grâce au design d’expérience, à la connexion avec les bénéficiaires de la cause et au redimensionnement à taille humaine. Au-delà de ces constats, le COVID-19 ne fournit-il pas là une occasion de moins dépendre des événements-bénéfice pour investir davantage dans le digital ?

Il y aura-t-il un effet boomerang ?

Pour terminer, interrogeons-nous sur les conséquences de la crise à plus long terme. Pour l’instant, les organismes philanthropiques tout comme les entreprises sont inclus dans les plans de relance économique des gouvernements. Mais une fois la crise terminée, à moins d’un effacement de la dette, l’État, les banques et les bailleurs de fonds chercheront à revoir leur argent. On peut donc légitimement tabler sur des coupures budgétaires qui exerceront une pression sur le milieu philanthropique, et une augmentation des impôts et taxes, qui impactera nécessairement la collecte de fonds. En temps normal, deux scénarios sont possibles lors d’une hausse d’impôts : soit le donateur coupe dans les dons, soit il défiscalise davantage. Mais sur fond de récession, le premier ne risque-t-il pas de l’emporter sur le second ? Une solution pourrait être la mise en place de crédits d’impôt anticipés pour redynamiser les dons.

À suivre…

N’hésitez pas à me faire part de vos commentaires sur les réseaux sociaux ou par mail à charlene@filantropio.com

Temps de lecture : environ 4 min

En fin de semaine dernière, un article du Devoir intitulé « S’indigner plus vite que son ombre » a parfaitement bien résumé le malaise que j’ai ressenti face à la polémique suscitée dans la presse et sur les réseaux sociaux par la générosité des grandes fortunes françaises et internationales en faveur de la reconstruction de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Il y est question de notre « empressement en ligne à s’élever contre la moindre apparence de scandale, alimentée par les médias traditionnels », tendant fréquemment des pièges à clics.

L’article fait la promotion de la série documentaire Indignation pilotée par la journaliste Marie-Ève Tremblay qui en a fait un sujet d’étude en 4 épisodes. Interrogé dans le documentaire, Jeff Yates, spécialisé en vérification des faits et phénomènes de désinformation sur le web, considère l’indignation comme une des matières premières du web, une ressource naturelle. Il n’y a qu’à parcourir son fil d’actualité chaque jour pour se rendre compte que celle-ci est intarissable. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elle est tout aussi saine que toxique.

Décryptons l’indignation autour de Notre-Dame et les 5 leçons philanthropiques à retenir.

Résumé des épisodes précédents

Une pluie de dons

Deux faits ont indiscutablement amorcé la polémique. Tout d’abord, le ruissellement des dons aux montants astronomiques, affluant en à peine plus de 24h dans une France empêtrée dans une crise sociale assortie d’une escalade de la violence. Plus d’un milliard d’euros de dons ont été promis en un claquement de doigt. Autant dire que les gilets jaunes ont vu rouge. Le deuxième facteur déclencheur a trait à la fiscalité du mécénat que le grand public a semblé découvrir à travers ce drame national (la loi Aillagon). Je ne m’attarderai pas ici sur les pourcentages et seuils de défiscalisation repris en boucle depuis une dizaine de jours. Ce que l’opinion retient est que les dons faisant l’objet d’incitations fiscales réduisent la dépense publique mais paradoxalement engagent tous les citoyens fiscalement.

Un arc-en-ciel de critiques

On a tout lu et tout entendu : « l’Île de la cité = nouveau paradis fiscal », « Patrimoine washing » sur le dos de l’État et des contribuables, « téléthon des milliardaires », opération de communication scandaleuse de la part des multinationales se faisant passer pour les « Médicis du XXIe siècle » au détriment de l’assiette fiscale nationale. Sans compter les commentaires des complotistes qui s’en sont donnés à cœur joie, dissertant sur la température de fusion de l’acier de l’échafaudage resté debout malgré la catastrophe.

L’invocation sous toutes ses formes

Depuis l’incendie et avant-même qu’il ne soit éteint, les initiatives destinées à sauver Notre-Dame ou rendre hommage aux pompiers ont proliféré comme une trainée de poudre : engagement du service public audiovisuel avec la programmation du Grand concert de Notre-Dame de Paris lançant un appel aux dons auprès des téléspectateurs, multiplication des cagnottes en ligne, fabrication de 1.000 maillots du PSG floqués de l’image de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont le produit de la vente sera reversé à des associations liées aux pompiers, l’hommage des pompiers de New York à leurs frères d’arme français.

Un retour aux sources

Victor Hugo est même revenu sur le devant de la scène littéraire avec son roman Notre-Dame de Paris, caracolant en tête des ventes jusqu’à rupture des stocks dans de nombreuses librairies et sur Amazon. C’est ce que j’appelle le « réflexe d’idôlatrie » que l’on retrouve également à la suite de la mort d’un grand artiste. La prise de conscience d’une immense perte, d’une privation irrémédiable se traduit par une forme de culte de la survivance. Les choses ne seront plus jamais comme avant mais nous éprouvons le besoin de revenir en arrière et de nous raccrocher à tout ce qui peut nous ramener à leur état initial.

Sortir de la division pour entrer dans la discussion

Nous avons donc vu apparaître deux camps. D’un côté, les détracteurs d’une générosité qu’ils jugent opportuniste et ostentatoire, dictée par le soft power. De l’autre, les défenseurs d’une mobilisation inédite rétablissant la puissance du collectif dans une société profondément divisée. Cette vision très manichéenne se trouve renforcée par la cristallisation des principaux sujets chauds du moment au sein du débat public, à savoir l’injustice fiscale et la pression sociale vis-à-vis du gouvernement pour faire de la crise climatique une priorité.

Le juste milieu et l’équilibre en toute chose

Au-delà de la polémique, quelles réflexions pouvons-nous tirer de cet événement pour le secteur philanthropique ?

1- Ne sommes-nous pas en train de basculer progressivement du mode compétitif vers un mode hiérarchique entre les causes ? Nous avons assisté à une véritable foire d’empoigne entre les internautes au sujet des valeurs et des priorités d’action en matière de don. Certains ont été choqués par l’opération de sauvetage de Notre-Dame, digne de la gestion d’une grave crise humanitaire ; par la mobilisation record envers la mémoire des pierres au détriment du vivant qui se meurt. Pour d’autres, le génie humain doit être préservé coûte que coûte, même si nous nous précipitons tout droit vers notre propre extinction.

2- L’élasticité de l’incitation fiscale a sans doute atteint sa limite avec les grandes entreprises et fortunes familiales. Un récent rapport de la Cour des comptes a révélé une augmentation de 900 % de la dépense fiscale entre 2004 et 2017. Peut-on encore parler d’incitation lorsque la machine de la défiscalisation tourne à plein régime aussi souvent que nécessaire ?

3- N’est-il pas temps que les pouvoirs publics se penchent davantage sur l’étude de l’allocation des dons encouragés fiscalement secteur par secteur ? Puisque l’action publique est de plus indissociable du support des acteurs privés dans la gestion du bien commun, un meilleur arrimage entre les cibles de la philanthropie et l’intervention de l’État pourrait être trouvé. La cour des comptes émet d’ailleurs l’idée d’appliquer des taux variables selon le type d’organisme bénéficiaire.

4- Si le don doit demeurer libre et arbitraire, sa défiscalisation rime-t-elle toujours avec civisme fiscal ? Ne devrait-on pas privilégier une approche plurielle du don défiscalisable qui viserait à rééquilibrer le pouvoir de force entre les très grands donateurs et les donateurs plus modestes, mais aussi entre l’ensemble des donateurs et le gouvernement ? En effet, ce dernier étant garant de la démocratie, la menace de transfert du pouvoir public au pouvoir privé doit être contrôlée.

5- Le mouvement de balancier entre la philanthropie et la responsabilité sociale d’entreprise est tel qu’il brouille la perception des intentions que l’on prête aux citoyens corporatifs. La frontière est mince mais les avantages associés sont très différents : abattement fiscal vs performance réputationnelle. Les donateurs de première ligne pour la reconstruction de Notre-Dame opèrent pour la plupart dans l’industrie du luxe, historiquement liée à la protection des arts et du patrimoine. Jouer la carte de la RSE aurait donc été tout naturel. Mais là encore, il existe une certaine porosité entre les dons des grandes fortunes familiales et la mise à disposition des moyens de leurs entreprises respectives.

Qu’on le veuille ou non, le traitement médiatique de l’incendie de Notre-Dame, fortement axé sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises, a constitué un terreau fertile à l’indignation et au scandale. Tout le monde y est allé de son petit commentaire outré sans prendre conscience du piège de la binarité aussi béant que le trou dans la toiture de Notre-Dame. Était-il nécessaire de jeter le bébé avec l’eau du bain ? Ou à l’inverse de juger consternante la polémique comme l’a fait Bernard Arnault ? Saisissons l’occasion de prendre un peu de recul et de réfléchir humblement aux grands enjeux de notre secteur qui partagent des traits communs de part et d’autre de l’Atlantique.

« Réalisez vos rêves ! Sinon, vous risquez d’être réveillé par le bruit de quelqu’un qui est en train de réaliser le sien » (Colette Portelance)

En ce début d’année, nous ne sommes plus à l’heure des résolutions mais de leur réalisation. Laissez-moi vous parler d’un de mes ikigai du moment. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce concept tout droit venu du Japon, l’ikigai est en quelque sorte votre petite étincelle qui sommeille en vous et ne demande qu’à jaillir de votre quotidien pour le rendre plus valorisant et élargir les horizons de votre mieux-être. Héctor Garcia et Francesc Miralles le compare même à une radiofréquence. « Mieux nous nous synchronisons avec lui, plus nous aurons la sensation que notre vie a un sens » pour nous et pour les autres.

Je me sens très privilégiée de pouvoir exercer un métier qui me permette d’insuffler un peu de bienveillance, de partage, de résilience dans un monde transformé par une série de ruptures irréversibles et concomitantes qui sont en train de conditionner durement notre vie future et celle des générations à venir. Pourtant, cela n’est pas suffisant. Et j’ai eu envie d’élargir ma contribution professionnelle à la sphère sociale en créant FILantropio, le premier podcast en français sur la philanthropie.

« La grandeur d’un métier est avant tout d’unir les hommes. » (Antoine de Saint-Exupéry)

Je ne compte plus le nombre de fois où lors d’un réseautage, d’une soirée ou d’une réunion de famille j’ai été confrontée au regard interrogateur de mes interlocuteurs lorsque je leur disais que travaillais en philanthropie. Rapidement derrière j’avais droit à la question suivante : « mais c’est quoi la philanthropie ? ». Passées les présentations étymologiques, je lâchais le mot-clé « collecte de fonds ». Et là, j’avais droit à toutes sortes de réactions : de l’entrepreneur qui me demandait des conseils pour la ronde de financement de sa startup en passant par le cliché véhiculé par monsieur ou madame Tout-le-Monde qui voyait clignoter au-dessus de ma tête le mot « ONG », nécessairement internationale…et ça c’est quand la philanthropie n’est pas confondue avec la misanthropie !

FILantropio signifie « philanthropie » en espéranto, la langue internationale utilisée comme langue véhiculaire à travers le monde. Celle-ci a vu son expansion freinée par les élites qui n’ont jamais voulu l’adopter. Choisir de nommer ce podcast FILantropio, c’est faire la part belle à l’universalité et à ce qui unit dans la différence.

« What’s your Why ? » (Simon Sinek)

FILantropio est le premier podcast francophone qui lève le voile sur ce qui se cache derrière le mot philanthropie. Dans l’imaginaire collectif, la philanthropie est élitiste, inaccessible et pratiquée par les puissants de ce monde. Ce podcast cherche à en démystifier les contours, la défaire de tout regard réducteur et lui donner ses lettres de noblesse démocratiques en allant à la rencontre de ceux qui la font. Deux fois par mois, laissez-vous inspirer par des voix bienveillantes, le cœur sur les ondes.

L’objectif de ce podcast est d’explorer de façon concrète toutes les facettes que revêt la philanthropie francophone. Il sera un vecteur d’inspiration et d’émotion pour tous ceux qui ont choisi d’être au service de l’humain par leur métier ou leurs implications dans la communauté. Le ton sera accessible et décontracté.

« Rédige ton appel à l’action pour que les lecteurs pèsent sur le piton » (lu quelque part sur la webosphère)

Voici venu le moment de vous demander si vous êtes prêt.e à me suivre dans cette aventure qui me taraude depuis plusieurs mois, à vivre des premiers épisodes qui ne seront peut-être pas parfaits techniquement mais empreints d’authenticité et d’une réelle volonté de vous nourrir les oreilles.

J’en profite d’ailleurs pour remercier l’équipe de Magnéto, le leader québécois dans la production, la réalisation et la mise en marché de podcasts, qui m’a initiée aux rudiments en juillet dernier à travers sa formation en conception et diffusion de podcast.

Pour ne rien manquer de l’actualité de FILantropio et accéder à des contenus exclusifs, je vous invite à vous abonner à mon infolettre non polluante et 100% biodégradable.

N’hésitez pas à poster en commentaire les sujets ou thématiques que vous aimeriez voir aborder ou à m’écrire à charlene@filantropio.com pour m’envoyer des petits mots d’encouragement 🙂

À bientôt sur les ondes !

Je vous parlais récemment des approches ascendantes du don à l’initiative de citoyens engagés en marge du travail accompli par les organisations. L’actualité récente nous a encore démontré la force de frappe de parfaits inconnus érigés en héros humanitaires. Je vous présente l’histoire d’Anne Perrin (23 ans) et Florian Gasmann (24 ans).

Naissance d’un élan de générosité partagé

Le 5 août dernier, l’île de Lombok en Indonésie a été ravagée par un séisme de magnitude 6,9 faisant plus de 430 victimes. Anne Perrin et Florian Gasmann, deux étudiants français en vacances sur l’île, décident après une maigre hésitation de rester sur place pour venir en aide aux survivants.

« Poussés par un instinct humain mais quelque peu égoïste, nous pensons d’abord quitter l’île par le ferry en direction de Bali. Pourtant, cela ne nous semble pas être la réaction la plus juste : nous avons eu la chance de sortir indemnes de cette catastrophe, et de bénéficier de plus d’un pouvoir d’achat, qui, s’il nous a permis de voyager aisément, pourrait désormais nous permettre d’apporter une aide non négligeable à la population. »

Rapidement, ils rejoignent les rangs de la Croix-Rouge locale et se mettent en quête de denrées alimentaires. Après une journée d’intervention, ils comprennent que leurs capacités de ravitaillement ne décolleront pas sans financements. Ils se tournent alors vers le love money. Famille et amis répondent avec un tel enthousiasme que nos deux apprentis humanitaires étendent leur collecte au grand public en démarrant une cagnotte Leetchi. Celle-ci leur a permis de récolter jusqu’à ce jour plus de 26 000 euros auprès de 629 donateurs.

Sur les traces de Jérôme Jarre

Dès lors, les ingrédients de la recette Jérôme Jarre dont j’ai parlé ici, sont appliqués pour aller chercher une plus large mobilisation sous la bannière MAD Lombok : montrer pour tenter de véhiculer une émotion qui sera gage d’adhésion, communiquer les résultats de manière pragmatique, étayer l’efficacité par les faits et la transparence, utiliser les réseaux sociaux comme toile de fond d’une générosité sans frontière.

Anne et Florian constituent une équipe d’une quinzaine de bénévoles locaux avec deux co-leaders capables de gérer les opérations, conscients qu’ils devront repartir avant l’expiration de leur visa. Signe que leur action s’inscrit dans le temps, ils font confectionner des T-shirts floqués d’un logo de fortune pour que les bénévoles soient identifiés dans les camps. Leur site web de vacances est transformé en site de crise pour documenter les besoins et les avancées du projet sous la forme d’un tableau de bord. Chaque ravitaillement fait l’objet d’un récit avec photos, structure des dépenses et factures à l’appui. En deux semaines, ce sont 125 000 repas qui ont été distribués.

Le 20 août, ils rentrent en France avec la ferme volonté de repartir en septembre pour poursuivre la reconstruction de l’île. Il y a 3 jours, le couple a annoncé la création officielle de l’association scellant sa volonté d’aller plus loin. Un pôle éducation dédié à l’amélioration du quotidien des enfants a été mis sur pied dans les camps en attendant la construction de nouvelles écoles provisoires. L’équipe ne cesse de s’agrandir et cherche à recruter de nouveaux bénévoles pour constituer le pôle Partenariats ainsi qu’un responsable achats et approvisionnements à Java.

Aidé d’un pôle communication constitué de bénévoles opérant depuis la France, MAD Lombok est parvenu à bénéficier d’une large couverture médiatique. Pas moins d’une vingtaine de médias français (presse écrite, radio et télévision) ont relayé ce qui relève pour beaucoup d’une manifestation de courage héroïque. Les socionautes distribuent pluies de likes, de cœurs et de bravos. Certains, en partance pour l’Indonésie, proposent de commuer leurs vacances en bénévolat. L’un d’entre eux a même appelé dans les commentaires à décerner aux porteurs du projet « des Oscars de bienveillance, altruisme, générosité, amour du prochain ».

Un élan gagnant-gagnant

La formulation est intéressante car inconsciemment elle met en lumière les externalités positives d’un tel projet au bénéfice des initiateurs : la récompense et la distinction. Comme le titrait HEC Montréal dans son article paru la semaine dernière, « l’avenir est aux compétences personnelles ». Les soft skills ont le vent en poupe dans un marché du travail toujours plus compétitif. Savoir parler en public, faire passer son message, posséder une intelligence situationnelle ou émotionnelle sont autant d’atouts pour naviguer dans les relations interpersonnelles.

Que nous ont démontré Anne et Florian ? Qu’ils sont en capacité de :

  • S’adapter à un environnement apocalyptique et trouver des solutions pour les sinistrés
  • Coordonner leur action dans un contexte multiculturel (locaux, touristes bénévoles)
  • Structurer leur projet en un temps record et avec peu de ressources
  • Mobiliser autour d’eux et donner une portée à leur implication
  • Travailler 18h par jour pour pallier l’urgence de la situation

Difficile d’imaginer qu’ils ne seront pas récompensés dans leurs futures carrières respectives par tous ces efforts déployés. Pour Anne, la récompense sera peut-être ce stage de 6 mois à Singapour qu’elle recherche pour se rapprocher de Bali l’année prochaine. Cette expérience pourrait aussi être le début d’une vocation dans l’humanitaire avec déjà de belles réalisations au compteur. Aujourd’hui, l’ère numérique permet aux jeunes générations de voir grand et de participer à des projets qui les dépassent individuellement. Pour elles, tout est opportunité.

Qu’est-ce que tout cela peut nous inspirer ?

Pourquoi ne pas en tirer avantage du côté des OBNL ? On parle souvent de l’enjeu de la relève au sein des conseils d’administration, un peu moins de la place des jeunes dans le giron des organisations en tant qu’ambassadeurs et percolateurs. Nous avons vu apparaître des offres sur-mesure pour séduire leur générosité telles que Génération Centraide ou le projet X | Leucan. Toutes deux reposent sur un membership mensuel donnant accès à des tirages pour remporter des expériences, majoritairement des places de spectacle. En attendant le bilan de ces initiatives pour en mesurer l’engagement, il y a selon moi matière à explorer de nouvelles avenues. Nous pouvons par exemple rester dans le registre de l’expérience en déplaçant le curseur du fun vers le développement de soft skills.

Cette semaine, j’ai choisi de vous parler du fameux virage numérique qui n’en finit pas de se refermer sur le secteur des organismes à but non lucratif. Le sujet me titillait déjà il y a 3 ans au sortir de ma formation en gestion philanthropique à l’Université de Montréal. J’avais modestement exploré le paysage philanthropique québécois à l’ère digitale mondiale dans le cadre d’un travail de fin d’année. Force est de constater que le digital n’est toujours pas la marotte de la plupart des organisations. Et pourtant, il est en train de redéfinir les contours de notre secteur de manière tout aussi progressive que brutale.

Sauter à pieds joints ou à cloche-pied ?

Le récent sondage de la firme KCI « Dites-nous ce que vous pensez », destiné à recueillir les principaux défis auxquels les professionnels de la collecte de fonds sont confrontés, pointait clairement l’utilisation des médias sociaux comme une lacune en matière de compétence et de savoir et les expériences numériques en ligne comme une tendance émergente. Cependant, avons-nous pris le temps de porter un regard macro sur l’ensemble des bouleversements survenus avec l’avènement du digital ? Comment voir venir la prochaine vague quand demain ne se conjugue pas au présent qui lui est empêtré dans le quotidien du fonctionnement ?

Le point de départ de ma réflexion est la publication en juillet dernier des minutes des 3ème Rencontres de la Communication Solidaire qui se sont tenues à Paris en décembre 2017. Le thème de la journée était : « Associations et digital : vaincre ou mourir ? ». Quelque peu manichéen, voire dramatique, ce titre rappelle que l’utilisation des outils technologiques n’est plus une option pour le secteur caritatif. J’ajouterais que plus l’adoption est tardive, plus la courbe d’apprentissage devra être rapide pour rester dans la course. Un site web Responsive et une présence sur les réseaux sociaux sont le minimum auquel s’attendent les socionautes en quête d’expérience et de transparence.

Mais pour capter leur attention à l’ère de l’infobésité, de l’enjeu de la découvrabilité des contenus (inbound marketing) et de la compétition entre les causes, autant dire que la bonne volonté ne suffira pas. Qu’il s’agisse de recruter de nouveaux donateurs, engager par un call-to-action, informer en temps réel, communiquer du storytelling ou encore démystifier son organisation, la créativité semble être un rempart efficace. Mais avant cela, il faut observer et comprendre ce qui se passe autour de nous, saisir les interférences au sein d’un écosystème qui ne cesse de se réinventer et de s’élargir. L’adoption du numérique a engendré une inflation des acteurs et parties prenantes au service de projets d’intérêt général. Aujourd’hui, tout le monde peut se faire l’émissaire du bien social à portée de clic.

Et l’éthique dans tout ça ?

Le numérique est à la fois une jungle dans laquelle les organisations cherchent à se frayer un chemin, et un Far West en matière de cybersécurité. Dès lors, comment s’assurer de répondre à une certaine éthique en termes de communication et de protection des données ?

Sur le plan communicationnel, le digital doit-il servir à mettre en valeur une campagne de notoriété ou de collecte de fonds, ou servir un plaidoyer ? Suite au retentissement de la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario d’annuler les restrictions applicables aux activités politiques des organismes de bienfaisance, jugées inconstitutionnelles, on peut s’attendre à terme à une redéfinition de la portée de leur mission.

Si la définition de la communication éthique est insoluble puisque sous-tendue par un ensemble de valeurs qui est propre à chaque organisation, il existe néanmoins un cadre de référence commun tenant en 3 principes :

  • Ne pas moraliser le donateur
  • Respecter la dignité des personnes bénéficiaires et ne pas véhiculer de stéréotypes à leur égard
  • Veiller à ne pas créer d’écart entre la perception de notre aide et la manière dont celle-ci est perçue par ceux qui la reçoivent

À en juger par le niveau de sarcasme de certaines parodies raillant les clichés utilisés dans les campagnes de collecte de fonds, il reste manifestement du chemin à parcourir. En 2016, le Collectif ET BIM a signé une satire audiovisuelle intitulée Darfimbabwour. Tout y passe : la chanson caritative, le youtubeur engagé, l’intellectuel sauveur du monde, le misérabilisme, la stigmatisation des populations aidées banalisée dans le langage courant.

Mes recherches m’ont permis de découvrir une initiative encore plus intéressante portée par le Norwegian Students and Academics International Assistance Fund (SAIH) : Radi-AID. Il s’agit d’une campagne de sensibilisation annuelle visant à casser les clichés sur l’Afrique qui a été créée à la suite du vidéo clip « Radi-Aid: Africa for Norway ». Pour rappeler à l’ordre les mauvais élèves et récompenser les meilleurs en matière de communication digitale, le SAIH a également mis en place les Radi-Aid Awards (2013-2017). En 2017, carton rouge pour Ed Sheeran qui s’est rendu au Libéria, ravagé par le virus Ebola entre 2014 et 2015. Le Golden Radiator Award 2017 a lui été décerné à War Child Holland avec son vidéo clip Batman.

La question éthique se pose également en matière de sécurité des données et a vu apparaître de nouveaux arrivants dans l’industrie : les hacktivistes ou les gentils hackeurs. En France, Hack4values, un programme 100% dédié à la recherche des vulnérabilités des dispositifs informatiques des structures à but non lucratif, a été mis sur pied pour « porter secours à ceux qui portent secours » peut-on lire dans leur manifeste. Si les organismes de coopération internationale et de défense des droits de l’homme sont des cibles de choix pour les cyberterroristes, les cyberattaques n’épargnent personne.

Les approches ascendantes du don

En marge des organisations, d’autres acteurs issus de la société civile ont voix au chapitre des réseaux sociaux pour créer des communautés actives ou faire main basse sur la générosité des internautes. Parmi eux, des bénéficiaires parviennent à transformer une démarche individuelle en projet collectif par l’instauration d’un journal communautaire en ligne. En mai dernier, la Montréalaise Sophie Berriault, atteinte de sclérose en plaques, a lancé PS j’ai la SP, un forum d’échange sur Facebook pour jeunes adultes qui ont la SP. Elle organise son premier événement-bénéfice le 15 septembre prochain. En France, Christian Page, l’itinérant aux 31 500 followers sur Twitter a réussi à interpeler les pouvoirs publics, prouvant ainsi qu’avec un simple smartphone on peut jouer un puissant rôle de plaidoyer. Ces deux exemples ont le mérite de questionner l’approche descendante de la collecte de fonds et la place des bénéficiaires dans l’organigramme des organisations.

Les actions des influenceurs ne sont pas non plus négligeables. La meilleure illustration de cette force de frappe est probablement la Love Army, un mouvement de solidarité impulsé par l’humoriste français Jérôme Jarre qui a conquis son audience sur Vine et Snapchat. Son objectif affiché est de créer un modèle sans intermédiaires où le don se rend directement sur le terrain sans passer par la case ONG mais il s’agit dans les faits d’une désintermédiation. En mars 2017, il parvient à récolter 2 M$ en 48h sur GoFundMe afin de soulager la famine en Somalie considérée par l’ONU comme la plus grande crise humanitaire depuis la seconde guerre mondiale. Il réussit à faire affréter gratuitement un avion de la Turkish Airlines pour acheminer eau et denrées alimentaires en appelant à diffuser largement le hashtag #TurkishAirlinesHelpSomalia. Ironie de l’histoire, Jérôme Jarre a dû faire appel à l’American Refugee Committee pour distribuer les vivres. Appuyé par un collectif formé de stars du web et de l’acteur Omar Sy, il récidive en novembre 2017 en amassant plus de 2 M$ pour venir en aide aux Rohingyas, une minorité apatride persécutée en Birmanie ayant trouvé refuge au Bangladesh. Là encore, il collabore avec des associations locales triées sur le volet embauchant des Rohingyias pour construire les infrastructures et ainsi leur permettre d’avoir un salaire à la fin du mois.

Quoi qu’on en pense, ce phénomène met en lumière trois choses:

  • Si les ONG sont toujours dans la boucle, elles occupent un rôle moindre d’exécutant opérationnel.
  • Les modes de communication fonctionnant dans la spontanéité et l’instantanéité ont les meilleures chances d’atteindre les publics plus jeunes. Utiliser les techniques des médias traditionnels pour faire de la communication hors média auprès de cette cible équivaut à un suicide marketing.
  • La professionnalisation du secteur s’est accompagnée d’une certaine distanciation des organismes avec le grand public, pris au piège du système de la croissance et du fonctionnement en circuit fermé. Le poids institutionnel peut étouffer le niveau d’engagement et de confiance là où le digital cultive le lien de proximité.

Nota bene

Afin de mettre tout cela en perspective, voici quelques considérations qui selon moi devraient toujours rester dans votre radar :

  • Le numérique n’est ni un fantasme ni de la pensée magique. Il est un élément du mix de la collecte de fonds.
  • La créativité met tout le monde sur le même pied d’égalité. Moins de budget sollicite plus de créativité.
  • Ce qui est important derrière l’outil, c’est l’intention stratégique. Par exemple, cherche-t-on à provoquer réflexion et débat ou à faire le jeu des slacktivistes en allant à la course aux likes ?
  • N’oubliez pas la part d’intangible au-delà de la mobilisation : comment le message a-t-il été compris ? Quels changements de comportement avons-nous induit ?
  • Informer n’est pas communiquer tout comme semer n’est pas récolter.

Enfin, à quand un baromètre québécois des relations entre le grand public et les OSBL mesurant les pratiques, les attentes et les dons sur les réseaux sociaux ?