En janvier dernier, j'ai eu l'honneur d'ouvrir le bal des chroniques hebdomadaires du podcast du PhiLab qui m'a laissé carte blanche sur le sujet de l'éducation.
Elle se présente sous la forme d'un plaidoyer pour réinventer l'ambition pédagogique à l'école et faire de la générosité une compétence sociale du 21ème siècle.
Pour illustrer mon propos, je m'appuie sur deux initiatives incontournables de part et d'autre de l'Atlantique : L’École de la générosité (auquel j'ai dédié l'épisode 28 de Filantropio) et la Youth and Philanthropy Initiative Canada.
L'exercice de la synthèse est toujours un défi stimulant, et j'ai hâte de recueillir vos impressions sur cette réflexion.
🗓️ Je vous donne rdv en mars pour une nouvelle chronique sur le thème des droits des femmes, et en avril pour parler d'environnement, toujours à travers le prisme de la philanthropie.
Bonne écoute !
Charlène
ÉQUIPE DE PRODUCTION :
Laurence Croteau – Directrice de production
Joey Mac Intosh – Producteur, recherchiste, monteur et animateur
MUSIQUE :
La chanson thème est une adaptation d' « Henry’s out of money » par Lundstroem.
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.
[00:00:09] Bon matin, bon après-midi, bonsoir à tous et à toutes, votre animateur Joe McIntosh qui est toujours là pour vous. Aujourd'hui, on transforme le Philab Podcast. Comment est-ce qu'on le transforme? Non pas par sa nouvelle introduction, mais par son format. En fait, le format dans lequel on va naviguer dans les prochains mois, ce sera le format de la chronique.
[00:00:33] Donc, qu'est-ce que ça veut dire la chronique? Je vais avoir différents invités qui vont venir nous parler de différents sujets en lien avec différents thèmes. Un thème par mois, donc les quatre prochains mois, le mois de janvier qui sera sous le thème de l'éducation, le mois de février sous les perspectives afrodescendantes, le mois de mars sous les perspectives aux féminins et finalement le mois d'avril avec une perspective sous l'environnement.
[00:00:58] On y va aussi avec un format bilingue par semaine. Donc, c'est pas exactement bilingue par chaque épisode sera bilingue, mais un peu plus qu'un épisode sera francophone et un épisode sera anglophone. Donc, dans le fond, le podcast va se dérouler deux fois par semaine, une fois en français, soit les mercredis et une fois en anglais, soit les vendredis.
[00:01:20] Notre premier invité se nomme Charlène Petit. Charlène Petit qui est fondatrice de Facteur T, un organisme qui accompagne les OBNL et les fondations dans leur stratégie de croissance et développement de leur notoriété en ligne. C'est aussi une animatrice du podcast Philanthropio et éditrice de sa newsletter Vitamine G. Donc, je laisse le micro à Charlène et je vous souhaite un bon épisode.
[00:01:49] Est-ce que vous vous êtes déjà demandé ce que vous n'avez pas appris à l'école ou ce que vous auriez aimé y apprendre ? Personnellement, avec mon regard d'adulte et de mère, je me pose souvent la question, pas tant pour ressasser mon passé que préparer l'avenir de mon fils. Comment lui permettre d'être heureux et épanoui dans un monde complexe, instable, en crise, en accélération constante, multipolaire, polarisé, infobèse ?
[00:02:13] Plus largement, comment permettre à nos enfants de prendre soin d'eux-mêmes et des autres dans une société en perte de liens et de dialogues ? Ces interrogations nous éloignent pas mal des théorèmes mathématiques, du tableau périodique des éléments ou encore des règles d'accord du subjonctif. D'ailleurs, qui s'en souvient encore ? Notre système éducatif est-il encore adapté au monde d'aujourd'hui ? Force est de constater que l'école continue de formater des cerveaux pour un monde qui n'existe plus.
[00:02:40] Au lieu de préparer des citoyens capables de naviguer dans une société liquide, pour reprendre les termes du philosophe Sigmund Bauman. C'est-à-dire où les structures, les normes et les relations sont devenues fluides, flexibles et instables. On parle beaucoup de la crise des moyens à l'école, tant en France qu'au Québec, où nous avons connu récemment une grève des enseignants sans précédent. Et c'est important, car le bien-être des élèves est étroitement corrélé à celui des enseignants.
[00:03:05] Mais ne serait-il pas temps de parler davantage de la finalité de l'école ? Autrement dit, à quoi doit-elle servir ? Aujourd'hui, deux visions s'affrontent. Pour les conservateurs, l'école est un outil au service du marché du travail. Pour les progressistes, elle est au service de l'humain. Je crois que le plus important est qu'elle soit évolutive en fonction des défis contemporains. En effet, n'est-il pas indispensable de transmettre à nos enfants et nos jeunes l'auto-apprentissage plutôt que l'apprentissage par cœur,
[00:03:34] dans un monde où le savoir est partout à portée de clic ? N'est-il pas urgent de leur apprendre l'autonomie intellectuelle et l'esprit critique, à l'ère des fake news et de l'intelligence artificielle ? Ou encore, quand comprendrons-nous que la générosité est une compétence sociale du XXIe siècle à cultiver dès le plus jeune âge, et non une option morale facultative ? Maria Montessori disait « l'éducation est la plus belle arme de paix ».
[00:03:59] Et l'on pourrait ajouter « l'éducation à la générosité est la plus belle arme pour changer le monde ». Pourquoi ? Parce qu'elle touche autant à la transformation individuelle que collective. Regarder au-delà de soi nous amène à développer des valeurs de solidarité, d'empathie et de responsabilité sociale qui nous poussent à leur tour à nous mettre en action au service d'un idéal ou d'une cause. Quelle que soit l'échelle et la modalité de notre action, nous avons tous la possibilité de con-construire un monde plus juste, plus humain et plus durable.
[00:04:29] C'est en donnant aux autres que l'on s'élève soi-même et que l'on change petit à petit le monde. Vous allez me dire « c'est bien beau ton programme Charlène, mais l'école ne peut pas être sur tous les fronts ». Certes, pour transformer l'école, il y aura forcément de l'arbitrage et de la gestion des priorités à faire. Et si nous parvenions à esquisser le projet d'une éducation intégrative, un peu à l'image de la santé intégrative et de son approche thérapeutique globale ? Nous pourrions recourir simultanément à une éducation fondée sur les savoirs techniques et académiques essentiels
[00:04:57] et à une éducation alternative axée sur les compétences sociales, émotionnelles et cognitives. Bien souvent, le vent de changement arrive de l'extérieur et non de l'intérieur des politiques publiques. Il est porté par des acteurs privés ou non lucratifs, appuyés par du financement privé. Sur la thématique philanthropique, je citerai deux programmes qui ont fait leur preuve de part et d'autre de l'Atlantique. Tout d'abord, l'Initiative Jeunesse et Philanthropie Canada,
[00:05:23] qui enseigne aux étudiants d'école secondaire les fondamentaux de la philanthropie, en leur donnant la possibilité de jouer un rôle direct dans l'octroi d'une subvention financière à des organismes de leur communauté. Ce sont plus de 20 millions de dollars qui ont été distribués depuis 2002. Ce type de projet, c'est un peu la foire of skills, ou compétences socio-comportementales. En l'occurrence, sur le plan cognitif, les élèves s'entraînent à la prise de décisions collectives et exercent leur esprit critique sur les défis sociaux et environnementaux.
[00:05:51] Sur le plan émotionnel, ils expérimentent l'empathie. Et sur le plan social, ils pratiquent la collaboration et la communication. En France, l'école de la générosité propose aux enseignants des programmes d'apprentissage de la philanthropie conçus pour les enfants de 8 à 11 ans. L'un met l'accent sur la connaissance de soi, des émotions et le renforcement de l'empathie chez les plus jeunes. L'autre forge la construction d'une citoyenneté active, tournée vers l'intérêt général chez les plus vieux.
[00:06:18] Chaque programme offre un parcours sensibilisation et un parcours action, où les enfants mettent sur pied un projet solidaire en faveur d'une association. En 12 ans d'existence, ce sont 20 000 enfants qui ont été sensibilisés à l'altruisme partout en France. Là encore, la pédagogie de projet et les exercices de mise en situation sont essentiels dans l'apprentissage des soft skills, qui s'accommode plus difficilement de la théorie. En plus, ils permettent d'intégrer au passage des savoirs fondamentaux, comme les mathématiques ou l'éducation morale et civique.
[00:06:45] Mais toutes ces initiatives reposent sur la bonne volonté des enseignants et relèvent de la profession de foi, voire du militantisme éducatif. Alors comment les amplifier pour massifier leur adoption ? Les académies ont bien sûr un rôle à jouer dans la diffusion des bonnes pratiques. Et ça pourrait commencer par la reconnaissance institutionnelle des compétences humaines dans le succès et l'épanouissement scolaire. D'autres mesures pourraient compléter ce dispositif de reconnaissance, comme la création d'une communauté de pratiques,
[00:07:14] facilitant le travail collaboratif entre établissements. Et pourquoi pas la nomination d'ambassadeurs, jouant un rôle de porte-parole au sein de leur académie. Les parents aussi ont un rôle à jouer dans la transmission des soft skills. D'ailleurs, l'OMS recommande deux heures d'apprentissage à la maison par semaine contre une heure à l'école. S'il y a bien un endroit où il ne faut pas redouter l'attaque de la vertu ostentatoire en matière de philanthropie et d'engagement social, c'est au sein même de la famille.
[00:07:41] En 2019, l'Institut Mallet avait mené un sondage révélant que 62% des donateurs ont appris l'importance de donner de leurs parents contre 13% de leurs professeurs ou enseignants. Maintenant, je vous invite à imaginer à quoi ressemblerait un monde peuplé de générations éduquées à la générosité. Eh bien, par exemple, les médecins prescriraient du bénévolat plutôt que des antidépresseurs, les burn-out seraient remplacés par des give-out, les haters seraient une espèce en voie de disparition,
[00:08:10] les modèles économiques prédateurs seraient une curiosité historique étudiée en classe, ou encore, le bonheur national brut supplanterait le produit intérieur brut. Avouez, ça fait rêver, non? Oui, mesdames et messieurs, c'est tout pour aujourd'hui. N'hésitez pas à nous suivre sur nos différentes plateformes Facebook, LinkedIn, Instagram pour plus de contenu et laissez-nous vos commentaires, vos impressions par rapport aux différents sujets, aux différents thèmes.
[00:08:39] Je voudrais remercier Laurence Croteau et Filab pour la production et la mise en onde de cet épisode. Ici Joey McIntosh et on se dit à bientôt.